Note d’information sur le premier Forum Social Mondial Antinucléaire Civil et Militaire, tenue du 2 au 5 novembre 2017 à Paris.
Par: Chico Whitaker
Le premier Forum Social Mondial Antinucléaire Civil et Militaire – FSM-AN a été réalisé en France, le pays le plus nucléarisé du monde, par une dizaine d’organisations de la société civile de ce pays [1]. Il a réuni plus de 300 personnes, la plupart français mais aussi de 20 autres pays (les nombres exacts nous seront communiqués prochainement), ouvrant des nouvelles possibilités dans la lutte contre la production et l’utilisation des armes atomiques et contre la production d’électricité par des centrales nucléaires.
Comme un événement thématique intégré au processus du Forum Social mondial, le FSM–AN a suivi la méthodologie adoptée dans ce processus, qui vise à créer des espaces ouverts, structurées horizontalement, avec des activités autogérées, proposées par les participants eux-mêmes, pour l’échange d’informations, d’expériences et des réflexions ayant eu vue des actions articulés planétairement pour la construction de « l’autre monde possible ». Les organisations qui l’ont réalisé ont constitué un Comité de Facilitation, aussi horizontal, et réalisé des assemblées préparatoires de niveau national et international.
L’objectif de la méthodologie du FSM est fondamentalement celui de créer des conditions pour la reconnaissance mutuelle et le dépassement des préjugés, de la compétition et des méfiances entre les mouvements sociaux, pour faciliter l’identification de convergences et la construction des nouvelles alliances, sans des hégémonies et dans le respect des différences dans les types d’action et dans les stratégies. Le FSM veut être, ainsi, un instrument de construction de l’unité, dans la diversité, face à la tendance à la division qui affaiblit les mouvements et favorise le pouvoir qu’ils affrontent.
Dans cette perspective, le Comité de facilitation du FSM-AN a franchi un pas significatif face aux divisions qui existent dans la lutte anti-nucléaire française. En réunissant des représentants de différentes options dans cette lutte, les membres du Comité ont fait leur travail dans le respect mutuel, sans prétendre que leurs positions respectives
s’imposent dans le programme du Forum. Ils ont ainsi ouvert la voie à une union plus large avec encore plus de diversité.
Il a été possible, d’autre part, réunir au FSM-AN, de façon explicite et intentionnelle, des militants de deux types de lutte qui se sont historiquement développés séparément : contre le nucléaire civil et contre le nucléaire militaire. Ces luttes ont des évidentes et multiples relations – l’utilisation civile étant née de la militaire et passant á alimenter l’expansion de l’utilisation militaire, et les deux en dépendant du même combustible – et leur articulation permettra à accroître leur respective efficacité. Cela a rendu possible, dans le Forum antinucléaire à Paris, accueillir et célébrer la victoire des organisations impliquées dans la campagne mondiale qui a réussi à construire, à l’ONU, un traité pour l’interdiction totale de la fabrication et l’utilisation des armes nucléaires, adoptée par 122 pays, et obtenir, à cause de cette victoire, le prix Nobel de la paix à 2017.
Le FSM-AN a également établit des rapports plus étroits entre les organisations anti-nucléaires de différents pays d’Europe et des autres régions du monde, en considérant que la lutte anti-nucléaire menée de façon isolé au sein de chaque pays, confronté à un puissant lobby de dimension mondiale, a beaucoup moins de conditions de succès.
Le Forum a eu trois séances plénières – d’ouverture, des témoignages et de clôture – et 34 activités de différents types, sur les plus divers thèmes – y inclus celui des travailleurs du nucléaire – réparties dans trois endroits et ayant beaucoup de participants et la projection de plusieurs films.
À la séance d’ouverture une vidéo a été montrée avec un message de l’ancien premier ministre du Japon Naoto Kan, qui n’a pas pu venir en personne à cause de la convocation d’élections au Japon. Il était le premier ministre au moment de l’accident de Fukushima. Lors de la session plénière des témoignages, la parole a été donnée à des participants de l’Inde, Russie, Japon, Ukraine, Turquie, France, États-Unis et Niger.
Au soir du premier jour il a été projeté un film de fiction et documentaires, «Couvercle du Soleil», du producteur japonais Tamyioshi Tachibana, en première exhibition en France, présentant des détails peu connus des cinq jours après le début de l’accident de Fukushima.
Dans la séance plénière finale une synthèse des discussions dans les différents ateliers a été présentée et les participants du Forum ont été informés de l’intention du Mouvement Ibérique Antinucléaire, qui rassemble des organisations anti-nucléaires d’Espagne et du Portugal, de réaliser, en 2019, à Madrid, un deuxième Forum Social Mondial Antinucléaire Civil et Militaire.
En ce qui concerne les activités pendant le Forum, j’ai participé seulement de celles liées à la construction de réseaux antinucléaires internationaux. Dans toutes ces activités il était évident l’intérêt et la nécessité de construire ces réseaux, et dans une d’elles une liste d’échanges et de discussion pour un approfondissement plus tard été créé. Les participants de cette activité programment déjà une rencontre internationale d’été, dans la deuxième semaine du mois d’août 2018, à Narbonne, sud de la France, qui s’articulera avec la réalisation du deuxième Forum Social Mondial Antinucléaire en Espagne.
Parmi les stratégies discutées dans les ateliers et en séance plénière, il a été souligné l’intérêt de centrer l’attention sur la lutte contre l’extraction de l’uranium, de laquelle dépend tout le reste du cycle nucléaire. Et l’importance de la formation et de l’information, afin que les gens ne soient pas trompés par la politique du mensonge, caractéristique de l’action pro-nucléaire civile et militaire.
Au lendemain de la clôture du Forum, un bon groupe de participants est allé à la ville de Bure, à 300 km de Paris, pour une visite de soutien et de solidarité aux militants antinucléaires qui se battent dans cette ville, sous la répression policière, contre la construction d’un énorme dépôt, « pour l’éternité », de déchets de haute radioactivité des centrales nucléaires françaises.
Quand je finissais la rédaction de cette note, j’ai reçu une invitation à une réunion du Comité de Facilitation, le 25 novembre, pour une évaluation du Forum. Un des points de l’ordre du jour est la « dissolution » du Comité, ce qui s’inscrit exactement dans l’esprit du Forum Social mondial : ne pas transformer les forums en des nouvelles organisations, parallèles à celles qui existent déjà, en compétition avec elles ou, éventuellement, en se bureaucratisant. Je souhaite bien que les membres du Comité présents à cette réunion d’évaluation trouvent une façon créative de rester connectés, pour pouvoir continuer à aider la construction de l’unité entre les mouvements anti-nucléaires, leur prêtant un service essentiel comme celui du FSM-AN.
[1] Le premier Forum Social Mondial anti-nucléaire-civil et militaire – FSM–AN réalisé en novembre 2017 en France était la troisième d’une série de rencontres et initiatives visant répondre à la nécessité d’internationaliser la lutte anti-nucléaire, question discutée par les brésiliens, japonais et français participants du Forum Social Mondial tenu en Tunisie en mars 2015. Les participants japonais ont décidé alors de réaliser en avril 2016 un Forum anti-nucléaire international à Tokyo. Ce forum a commencé par une visite à Fukushima, avec des représentants de cinq pays de la région qui participaient d’une réunion du Forum Asiatique contre les armes nucléaires. Les participants du Forum se sont ont également intégrés à une marche de 50 000 personnes à Tokyo, contre la réouverture des centrales nucléaires fermées après l’accident de Fukushima. Les participants canadiens se sont alors proposé à réaliser un deuxième Forum similaire lors du Forum Social Mondial de 2016, qui aurait lieu en août à Montréal, Canada. Dans ce forum, qui a eu la participation des mouvements anti-nucléaires nord-américains, Français, japonais, brésiliens et d’organisations des premiers peuples du Canada, une proposition pour la construction d’un réseau mondial anti-nucléaire a été rédigé. Diffusée sur l’internet, elle a été soutenue par 448 personnes et organisations de 47 pays. Des organisations brésiliennes ont alors commencé à construire un site mondial pour appuyer la construction du réseau ((nuclearfreeworld.net) Les participants français du Forum du Canada, à leur tour, en rentrant à leurs pays, ont invité des organisations anti-nucléaires françaises á organiser le premier Forum Social Mondial anti-nucléaire à Paris, juste avant la réalisation, à Bonn, en Allemagne, de la COP 23.